alterjuifs, narcissisme, psychanalyse

Troubles narcissiques et haine de soi

Par Dov Kravi

On entend souvent parler d’enfants abusés sexuellement par des adultes. Quand l’adulte est un parent, il s’agit alors d’inceste. Il est une autre forme d’abus que, dans notre jargon d’analystes, nous appelons narcissiques. Ceux-ci peuvent prendre différentes formes : maltraitance de tous ordres, psychique et physique, abandon, négligence, rejet, etc. Remarquons aussi que, pour compliquer les choses – mais personne n’a dit que la psyché fonctionnait de façon simple-, l’inceste est non seulement un abus sexuel mais aussi un abus narcissique puisqu’il instrumentalise et réifie l’enfant.

Le terme « narcissique » vient aussi du fait qu’ils ont pour conséquences d’altérer de façon profonde et durable le narcissisme de l’enfant, c’est-à-dire la valeur qu’il s’accorde à lui-même. Cette altération obérera l’avenir psychique de ces enfants pendant toute leur vie d’adulte, à moins qu’ils ne se donnent le droit de restaurer – au sens muséographique du terme – par un travail analytique (psychanalyse ou psychothérapie) leur narcissisme effondré. Mais en attendant cette éventuelle issue favorable, l’enfant reste aux mains de ses tourmenteurs, dans un sentiment d’impuissance totale d’autant plus insupportable qu’il n’aura personne vers qui se tourner.

Pour lutter contre ce sentiment de totale impuissance face à des gens qui, en principe, lui devraient amour et protection, il ne lui reste plus qu’à essayer de donner un sens à cette inexplicable maltraitance. Face des gens qui ont tout pouvoir sur lui, il lui faut retrouver un minimum de contrôle sur les douloureux événements de sa vie. Pour ce faire il n’a que le choix entre deux solutions.

Il peut considérer être victime d’une situation injuste, et diriger alors sa haine contre ses bourreaux. Mais pour adopter cette position, il faut une certaine maturité psychique que peu d’enfants sont en mesure d’avoir acquise avant la fin de l’adolescence. Il est en outre très douloureux et difficile d’attaquer ce que nous appelons nos objets internes, à savoir nos images intériorisées du père et de la mère.

Dès lors, il ne reste plus qu’une solution pour donner un sens à cette situation, s’accuser d’en être la cause : « je souffre parce que je suis mauvais ». Ce raisonnement- toujours inconscient – présente un double avantage. Afin d’échapper à ces sentiments insupportables que sont passivité et impuissance, l’enfant préfère se dire qu’il a lui-même provoqué les événements. L’autre avantage est de s’autoriser à envisager un avenir meilleur : « si je deviens bon, mes malheurs s’arrêteront ».

Il est toujours hasardeux d’étendre aux groupes humains des notions psychologiques par définition individuelles. En revanche, rien ne nous empêche de tenter d’analyser des comportements irrationnels à la lumière de ce que nous savons du fonctionnement du psychisme. L’un de ces comportements aberrants ne laisse pas de m’interroger : celui de Juifs adoptant des positions anti-israéliennes de principe.

Évitons la tarte à la crème consistant à poser que « chacun a le droit de critiquer telle ou telle politique de n’importe quel gouvernement israélien ». En revanche, délégitimer l’existence même de l’État d’Israël est une ignominie, tout comme accepter de laisser planer un risque mortel sur l’État juif. Si une telle posture ne nous étonne pas de la part des islamistes et des antisémites de tous poils, elle m’étonne au plus haut point quand elle est le fait de Juifs – de la même façon que je suis effaré quand je découvre le racisme de certains Juifs. Et mon effarement s’accroît quand je découvre que ces mêmes Juifs s’avèrent être parfois Israéliens.

Kenneth Levin est psychiatre et historien. Dans son livre The Oslo Syndrome : Delusions of a People under Siege [le Syndrome d’Oslo : les Désillusions d’un peuple assiégé], il tente d’expliquer l’attitude des Juifs atteints de la haine d’eux-mêmes par l’espoir de s’attirer les bonnes grâces de leurs ennemis.

Et aussi par l’envie de croire qu’Israël a le contrôle de circonstances particulièrement stressantes. Il n’en est évidemment rien puisque une paix authentique ne pourrait advenir que si le monde arabe changeait de paradigmes de pensée. Les politiques israéliennes ont très peu d’impact sur cette haine anti-israélienne distillée à l’envi par les gouvernements arabes, les systèmes éducatifs, les médias et les prédicateurs musulmans. Depuis les premiers jours de l’édification du monde arabo-musulman, les minorités ethniques et religieuses de cette région sont au mieux inféodées, au pire persécutées. Il n’est que de voir les actuelles persécutions de chrétiens au Moyen-Orient, en Afrique et en Indonésie, ou l’arabisation forcée des berbères au Maghreb.

Depuis des siècles les Juifs sont humiliés, spoliés, persécutées de toutes les façons possibles. Il n’est guère étonnant que dans ces conditions ils aient cherché à s’attirer les bonnes grâces de leurs ennemis ou tenter d’infirmer les tares que ceux-ci leur prêtaient. Ainsi, les antisémites ont de tout temps prétendu que les Juifs étaient exclusivement intéressés par eux-mêmes. Ce qui a conduit de nombreux Juifs à épouser des causes sociales plus larges. Ce qui n’est évidemment pas rédhibitoire, mais dont il ne faudrait pas être dupe : derrière ce sentiment de justice universelle peut se cacher la motivation inconsciente de donner des gages afin d’être « aimable».

Levin rapporte que pendant la deuxième guerre mondiale, après que fut révélé le programme d’extermination nazi vers la fin 1942, de nombreux dirigeants juifs américains cherchèrent à provoquer une prise de conscience sur la situation tragique des Juifs d’Europe afin de promouvoir des efforts pour les sauver. Mais dans le même temps, ils limitèrent leur campagne par crainte de réveiller la colère du public contre une préoccupation juive centrée sur un problème juif. Et ce sont souvent des voix non juives qui ont insisté sur le fait que le programme d’extermination nazi n’était pas seulement un crime contre les Juifs mais un crime contre la civilisation et toute l’humanité, et qu’il devait par conséquent faire l’objet de la préoccupation de chacun.

Aujourd’hui, alors que de nombreux campus et médias dans le monde occidental adoptent une position hostile à Israël, des Juifs vivant et travaillant à proximité de ces secteurs adoptent communément des poncifs anti-israéliens. Ce faisant, ils se drapent dans les plis de ce qu’ils croient être la vertu alors qu’en réalité, en servant d’alibi et d’idiots utiles aux pires ennemis d’Israël, ils font montre d’une inconscience criminelle d’où un profond masochisme n’est pas absent.

À cette envie de se faire bien voir il convient d’ajouter un moyen de défense que notre psyché met en œuvre pour affronter un traumatisme que nous appelons « identification à l’agresseur », mécanisme relativement efficace bien que fort coûteux en énergie psychique. Bruno Bettelheim décrit ce phénomène dans un livre qu’il a consacré à décrire son expérience concentrationnaire. Ces Juifs hostiles à eux-mêmes n’hésitent pas, dans un mouvement pervers de retournement, à accuser l’État juif des forfaits perpétrés par ses ennemis, alimentant ainsi ce renversement des termes qui témoigne de la confusion des valeurs dont se nourrit la perversité. C’est ainsi que, prenant naissance sur le terreau de la propagande antisémite arabe, les mensonges les plus fous se répandent : les Israéliens sont assimilés à des nazis, la démocratie israélienne devient un pays d’apartheid, la barrière de sécurité se transforme en mur de prison, les terroristes deviennent des résistants et une entreprise génocidaire se trouvent légitimée comme guerre de libération nationale…

Laissons Levin conclure : « les dynamiques psychologiques des communautés sous siège virtuel mis en place autour de l’État juif continueront à mener certains individus des communautés juives à soutenir leurs assiégeants et à exhorter à une réforme juive de l’intérieur, comme si c’était le plus court chemin pour obtenir un soulagement. Pourtant, la voie qu’ils préconisent n’est pas moins délirante que celle des enfants violentés s’accusant des abus qu’ils subissent. Tout autant que ses enfants, ils se destinent psychologiquement à une vie d’abnégation auto-imposée et de misère. Dans le cas des Juifs culpabilisant Israël pour la haine qui est dirigée contre lui, la misère qu’ils cultivent va bien au-delà d’eux-mêmes et, en définitive, elle sape l’existence même d’Israël ».

Si, individuellement, les membres de JCall et autres idiots utiles n’ont pas forcément souffert de rejet ou de maltraitance, ils se conduisent comme des enfants abusés cherchant à donner des gages pour pouvoir être aimés. Ce serait pathétique si ce n’était irresponsable.

1 réflexion au sujet de “Troubles narcissiques et haine de soi”

  1. Bonne présentation a laquelle manque un mot : la trouille ; en effet nous observons ces comportements de Dhimmis, de soumis , d’idiots utiles chez des adultes parfois de bon niveau intellectuel . Or ils se mettent d’emblée en situation de soumission au lieu de se tenir droit dans leurs bottes . La trouille physique de la confrontation est leur carburant . J’en ai rencontré de ci et de là , chez Meretz et autres clubs ..à gerber ..bref . Ils n’ont meme pas l’excuse d’etre devant le choix de la mort ou de la survie temporaire comme ce fut le cas dans le Judenrat de Lodz dirigé par Rumkovski . A noter la diffèrence de comportement entre les juifs dits  » libéraux  » aux USA et les juifs en Europe …ici il y a fracture mentale .

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