par Yana Grinshpun
Pendant mon séjour à Jérusalem, j’ai eu la chance de m’entretenir en russe et en hébreu avec les chaînes israéliennes. Dans un long entretien pour la chaîne 9, j’ai abordé deux thèmes étroitement liés : l’islamisation de l’Europe et l’histoire antijuive de la France.
Une lettre symptomatique : Macron ne dit jamais Israël sans Palestine
L’entretien a débuté par une analyse de la lettre adressée par Emmanuel Macron à Benjamin Netanyahou. Une caractéristique essentielle de ce texte est qu’il ne mentionne jamais Israël sans évoquer dans la même phrase la Palestine. C’est une constante du discours politique français depuis la création de l’État juif.
Ce détail est lourd de sens : l’impossibilité de parler d’Israël sans mentionner les Palestiniens traduit la volonté de ne jamais reconnaître Israël comme État souverain. La politique française continue de voir Israël dans le miroir palestinien — ou plus exactement à travers le prisme arabe, où ce pays ne peut exister qu’en tant que problème.
1927 : la France, amie traditionnelle des Arabes, hostile au foyer juif
Un ouvrage, qui m’a été signalé par Eliezer Cherki, intitulé L’Islam et la politique contemporaine (1927), permet de mieux comprendre cette attitude française. On y lit, sous la plume de R. Pinon :
« Par toute son histoire, par la tradition des croisades, par le séculaire exercice de protectorat sur les Lieux Saints, par la prééminence de sa langue, par ses innombrables institutions scolaires, savantes, hospitalières, charitables, etc. — par toutes ses admirables créations qui constituent la France du Levant — la France était qualifiée pour bénéficier du mandat sur la Palestine… Mais en faveur de l’Angleterre, aux raisons que j’ai dites tout à l’heure, s’ajoutait la création d’un foyer national juif, expérience à laquelle la France, amie traditionnelle des Arabes, n’était pas désireuse de présider. »
Ce refus est une constante. Passons sur l’accueil plus que chaleureux réservé par la France au mufti de Jérusalem, grand ami de Hitler, co-fondateur de la 13e division de la Waffen-SS, recherché pour crimes de guerre et contre les Juifs, mais discrètement abrité dans une villa à Bougival avant d’être exfiltré au Caire en 1946. Regardons l’actualité récente.
Chirac, Macron, Barrot : trois actes d’une même pièce
En 1996, Jacques Chirac, le grand ami d’Arafat, visita l’église Sainte-Anne. Dans une mise en scène théâtrale, il annonça qu’il n’entrerait pas dans l’église accompagné de militaires israéliens, censés le protéger, car ces territoires « ne sont pas à Israël ».
En 2020, Emmanuel Macron répéta le même cirque, au même endroit et surtout avec les mêmes phrases (les curieux pourront consulter les archives de l’INA). En 2024, c’est Jean–Noël Barrot qui rejoua pour la troisième fois le scénario rôdé, cette fois à l’église Pater Noster, sur le mont des Oliviers.
La fiction juridique d’un protectorat français à Jérusalem
À chaque fois, ces représentants français affirment mensongèrement qu’il s’agit de « territoires français » où les Israéliens armés chargés de leur sécurité ne seraient pas les bienvenus.
Ce mensonge est contraire au droit international, qui stipule clairement que les Lieux saints n’appartiennent pas à la France, pas plus qu’à aucun autre État. Michel Calvo le rappelle avec précision à propos de la visite de Barrot à Payer Noster
« Il n’y a pas de territoire français en Israël. Ce lieu nommé Eleona appartiendrait à la France, mais il ne s’agit pas d’une ambassade ou d’un consulat disposant d’une protection diplomatique. Ce territoire n’est pas la France. Ce lieu est un lieu de culte que la France laïque gère. Il ne s’agit pas d’un territoire appartenant à la France sur lequel elle serait souveraine. Il ne s’agit pas d’une enclave française dans un pays étranger. Il ne s’agit pas d’un protectorat français. La France n’a pas de protectorat à Jérusalem. »
L’abolition des capitulations à San Remo (1920) et dans le Traité de Lausanne (1923) est claire : la France n’a aucune souveraineté en Terre sainte. Il ne lui reste que des honneurs liturgiques dont ses consuls se « délectent », heureux d’exhiber un pouvoir symbolique.
Un message clair : la France se veut résistante face à “l’occupant juif”
Ces mises en scène visent à délivrer un message : la France résiste « bravement » à la soldatesque israélienne qui occuperait de prétendus territoires français.
L’église Sainte-Anne se situe dans une partie de Jérusalem que les médias français – abreuvés de dépêches de l’AFP – qualifient de « territoires palestiniens occupés », reprenant la même terminologie que les médias du Fatah et du Hamas. Il s’agit du quartier musulman qui se situe dans la vieille ville de Jérusalem et qui relève des territoires libérés par Israël en 1967, après leur annexion par la Jordanie en 1949.
Par cette mise en scène, la France affiche sa solidarité symbolique et politique avec « le combat palestinien ». Elle réactive deux stéréotypes :
– Les Juifs n’ont pas leur place dans une église (ils restent, symboliquement, « ennemis du Christ »).
– La France s’identifie aux « résistants palestiniens », se présentant comme leur égale face à « l’occupant israélien ».
Depuis 1967, les régimes arabes – et la République française, qui s’efforce d’en prendre le leadership — entendent parfaitement ce message : Arabes et Français mèneraient ensemble le même combat contre l’occupation juive de « nos terres musulmanes et chrétiennes ».
L’Europe postmoderne se dissout, Israël se renforce
La deuxième partie de l’entretien était consacrée à la disparition progressive de la grande civilisation européenne, absorbée par le néant postmoderne allié à la force islamique sûre d’elle-même et décidée à conquérir les restes du dar al-harb.
J’ai cité l’article de Pierre Martinent, ancien de la DGSE, publié par Tribune Juive dont les pronostics me semblent lucides : dans quelques décennies, il ne restera rien de la culture européenne. La majorité des Juifs quittera l’Europe ; la minorité restante s’assimilera, soit à l’islam, soit à une mixture islamo-postmoderniste.
Quant à Israël, entouré d’une haine planétaire, il prospérera malgré les guerres et l’hostilité. L’apport des nouvelles alyot (émigrations), nourries du départ massif des Juifs d’Europe, enrichira encore la société israélienne de ses connaissances et savoir-faire.
Le Coran, les alyot et les accords d’Abraham : vers un retournement possible ?
Il est également possible que le monde musulman — abstraction faite des Palestiniens djihadistes, irrécupérables — connaisse un sursaut religieux positif. Ceux qui lisent le Coran savent ce que dit la sourate 17 :
« Avant les temps derniers, Il ramènera les Enfants d’Israël pour reprendre possession de leur Terre, les rassemblant de tous les différents pays et nations… Et Nous disons ensuite aux Enfants d’Israël : « Demeurez en sécurité dans le pays (de la promesse). Mais quand le second des avertissements viendra, Nous vous rassemblerons ensemble en une foule mélangée. » »
Les accords d’Abraham illustrent déjà la possibilité de cette coexistence.
Mais peut-être me trompé-je sur tout. 😉
1 réflexion au sujet de “La France contre Israël : un vieux tropisme masqué sous le vernis diplomatique”