Je remercie infiniment Sonya Zadig et Jean-Jacques Moscovitz pour leur précieuse contribution, qui éclaire les raisons psychiques du djihad mené par l’islam radical contre les Juifs. Sonya Zadig est psychologue, psychanalyste, écrivaine. Jean-Jacques Moscovitz est membre fondateur de psychanalyse actuelle, psychanalyste et écrivain.
Table des matières:
Chapitre 1
Jean-Jacques Moscovitz sur le père mort par le meurtre symbolique et sa transmission dans le temps du sujet, entre présence et absence de la loi. L’énigme qu’est-ce qu’un père.
Chapitre 2
Sonya Zadig, L’énigme que veut la femme. Entre Sarah, Agar et l’actuel de l’Islam Radical. Entre Isaac et Ismaël.
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Chapitre 1
Dans L’Homme Moïse et la Religion monothéiste, (1938), Freud, sur l’islam, avance : « …la fondation de la religion mahométane apparaît comme une répétition abrégée de la fondation du judaïsme, dont elle se manifesta comme une imitation. Il semble en effet que le prophète eut d’abord l’intention d’adopter intégralement le judaïsme pour lui et pour son peuple. La récupération de l’unique et Grand Père primitif Abraham produisit chez les Arabes une extraordinaire élévation de leur conscience d’eux-mêmes, qui conduisit à de grands succès temporels, mais s’épuisa aussi en eux », « Allah se montra beaucoup plus reconnaissant pour son peuple élu que jadis Yahvé à l’égard du sien. Mais le développement intérieur de la nouvelle religion s’immobilisa bientôt, peut-être parce qu’il manquait l’approfondissement que produisit dans le cas juif le meurtre perpétré sur le fondateur de la religion. »
Comment comprendre, dès lors, la violence exterminatrice du 7 octobre 2023, commise par l’Islam Radical du Hamas.
L’appui sur ce texte montre qu’il s’agit en fait d’un collectif violent qui veut détruire un autre collectif, tel que la loi symbolique alors saute, l’interdit au meurtre réel est levé. La portée du meurtre symbolique du père disparaît. Elle ne fait plus ni soutien ni acte d’alliance, ni barrage à l’archaïque maternel. Le pogrom génocidaire du 7 octobre 2023 en est l’exemple récent, et précis car il est resté isolé, situant ainsi ce qu’il s’est produit. Freud prend des précautions infinies pour avancer son propos, notamment de faire le pas de considérer que les religions en tant que collectifs doivent être abordées comme si elles étaient de l’ordre individuel. Et de plus, il précise bien qu’il faut que cet acte de meurtre pour être symbolique doit être répété un nombre suffisamment de fois pour qu’il soit efficace quant à la mise en place de la loi. Cette dimension temporelle signifie une alternance entre la présence de cette loi symbolique liée à la fonction du père mort, et son absence pendant une période pendant laquelle se produisent les crimes. Ce qui est bien indiqué dans le texte freudien précisément : la nouvelle religion, l’islam, profita de sa part qui lui revenait de par son lien à Abraham pour ensuite péricliter, n’ayant pas à se confronter à la présence d’un fondateur qu’il faut réaliser en texte en le tuant et créer ainsi une dimension symbolique, soit l’interdit au meurtre. Ce qui signifie que cette nouvelle religion cesse sporadiquement d’en être une, cesse d’être fondée par une loi symbolique, originaire, provoquant ainsi une autodestruction, qui se propage aux religions voisines, en particulier le judaïsme. Cette succession dans l’histoire, d’absences et de présences de la loi se déroule pendant des périodes plus ou moins longues. L’invention du monothéisme par le judaïsme vient régulièrement rencontrer des groupes qui se rapprochent de l’adoption de la loi Symbolique ou au contraire en la refusant, ou en tenant peu compte de la fondation de la loi symbolique par le meurtre du père. C’est à peu près ce que dit freud dans son texte concernant la religion Mahométane pour citer son terme.
Ainsi, à la lumière de Freud peut-on proposer une explication dans la guerre entre Israël et le Hamas, entre une période où la loi symbolique faiblit du côté du judaïsme pour être alors attaquée violemment par le Hamas. Juif et loi d’un côté et absence de la loi de l’autre, conformément à
Freud, disant « qu’il manque à l’islam l’approfondissement que produisit dans le cas juif le meurtre perpétré sur le fondateur de la religion. »
Voilà ainsi l’effectuation de la transmission de la loi qui subit des variations entre présence active, empêchant le crime, et absence de la loi tout autant active. Ce qui laisse libre cours aux penchants criminels, qui ont jalonné l’histoire des peuples, ici au Moyen-Orient depuis des années, des siècles et plus. Si l’on accepte cette dimension souveraine et collective du texte, dans le déroulement de ce qui se passe, on pourrait dire que tout a lieu comme si le judaïsme ayant acquis cette dimension symbolique, c’est cette dimension symbolique elle-mémé qui succède à son absence même, à son effacement.
Freud l’inscrit par une épopée du refoulement : Moise tué, son crime est refoulé le temps suffisant, probablement des siècles, pour revenir sous la forme du Dieu unique, le Monothéisme, sa mise en texte.
Ainsi il s’agit d’un texte où s’écrit ce qui se passe au Moyen-Orient.
Voilà ce que veut dire « répété un nombre suffisamment de fois », on ne peut pas en effet tuer un fondateur plusieurs fois sinon dans sa mise en un texte créé. Ce qui suppose que tout texte se fonde sur un meurtre symbolique qui le structure.
Ainsi du point de vue psychanalytique, le meurtre symbolique du père primordial nous introduit à une culture où la mort et la vie se différencient du fait même de ce meurtre. Ce père est mort depuis toujours, sa mort définit la limite de la vie certes, mais en même temps en distingue la différence, c’est inhérent à l’existant du désir entre vie et mort. Désormais différenciées, mort et vie peuvent suivre la loi symbolique du père mort. Elles peuvent dès lors se confondre lors de la disparition de cette loi symbolique, lors de sa destruction et aboutir ainsi à des meurtres réels sans fin.
Et c’est là où se produit une inversion. L’absence de la loi tue la présence de cette même loi. Toi, la loi, tu m’accuses d’être sans la loi, tu veux que j’accepte ta loi qui différencie la mort et la vie. Alors si je te tue, est-ce que tu vis encore, si je tue ta vie au point qu’elle n’ait jamais existé, est-ce que tu vas continuer de faire la loi ? C’est celui qui est porteur de la loi symbolique qui est coupable et est alors puni de mort cruelle, cruelle pour produire son effacement, son inexistence.
C’est ce qui se passe le 7 octobre 2023. Les civils Israéliens sont attaqués. Le 8 octobre, ce sont les Israéliens qui sont coupables et génocidaires. On est dans ce moment de collision meurtrière entre existence juive et haine des juifs.
Cela éclaire comment la gauche politique française, la Nupes[1] en juillet 2022, propose au moment de la prise de fonction de ses députés, la résolution à l’Assemblée Nationale accusant Israël d’apartheid pour soutenir la cause des Palestiniens, afin de démanteler Israël, comme le projette la Charte du Hamas. Ce démantèlement, c’est exterminer les juifs parce que porteurs de la loi symbolique, de tuer cette loi, de l’abolir. Ainsi, cela apparaît bien comme n’étant pas une revendication territoriale, ce n’est pas de vouloir récupérer des terres, soi-disant occupées par un envahisseur qu’il faut tuer pour obtenir son bien. Ici il s’agit d’exterminer les juifs qui occupent une terre musulmane et qui doivent en rien ni posséder, ni maîtriser ni gouverner. La seule attitude possible pour le juif, c’est d’être dominé, d’être dhimmi, d’être protégé, à condition qu’il fasse ce qu’il doit faire, surtout pas d’avoir le pouvoir politique. C’est pourquoi tuer des juifs, c’est tuer le miroir de leur origine abrahamique qui se partage entre Isaac et Ismaël, et qui si elle est partagée, sporadiquement, peut à un moment donné sur injonction d’Allah, être l’occasion d’abolir la loi juive, de la rendre non- acceptable, de rendre cette loi inappropriée à la possibilité du musulman vivant en terre musulmane, sous l’égide de la Oumma. D’où le terme de matriciel, pour indiquer le ventre maternel, seul ventre ayant le droit d’enfanter dans le monde musulman du Hamas.
C’est que cette destruction pure et simple de la loi, et des juifs, en les exterminant, du fait d’une absentéisation de la loi, est faite de telle sorte que les juifs n’aient jamais existé. D’où l’attaque des bébés à décapiter devant leurs parents ce 7.10.23. Tuer l’origine au point d’en effacer toute trace. Voilà l’antisémitisme devenu a-sémitisme.
Au 21e siècle à l’antisémitisme européen nazi, et caché dans le RN, aujourd’hui est apparu depuis l’islam radical une haine des juifs utilisable politiquement à travers le monde comme le fait l’union des gauches en France dans une sorte d’affirmationnisme de la haine juive, et c’est extrêmement dangereux.
Chapitre 2
Le collectif que nous avons convoqué s’intitule” les mots de la psychanalyse”, en effet nous avions essayé depuis le 7 octobre de nommer ce retour de la barbarie. Hélas nous constatons depuis que les lois du langage ne sont plus opérantes y compris chez les psychanalystes eux-mêmes.
Le danger est là ; car lorsqu’il y a destruction du discours, il en résulte inéluctablement la destruction du sujet et par conséquent l’émergence de nouvelles formes sacrificielles.
La psychanalyse a une responsabilité éthique au regard de ce qu’il se passe dans la cité, elle reste le dernier bastion de la parrêsia (NDRL : du grec παρρησία -parole de franchise, liberté de la parole) le seul discours qui peut encore s’opposer à la destruction du sujet. Ce processus auquel nous assistons aujourd’hui a été inauguré par le discours de la science et parachevé par le totalitarisme islamique qui s’invite aujourd’hui sur la scène politique française. Je soutiens quant à moi que dans les deux cas, c’est le réel qui domine. Nous sommes donc dans une impasse, ce virage culturel qui est le nôtre, il nous faut le nommer sous peine de disparaître avec.
Nous avons élaboré dans un article précédent et nous en faisons notre appui majeur : l’énonciation freudienne épinglée dans “l’homme Moïse et la religion monothéiste « nous avions évoqué la question de l’origine et son malaise. Freud a publié ce livre qui fut son dernier au moment où l’Europe traversait des passions nationalistes et totalitaires dont les effluves semblent revenir nous embaumer aujourd’hui.
Freud replace Moïse dans une position d’étranger, de Moïse l’égyptien, il en fait l’ancêtre des juifs et le fondateur de la Loi. Ce faisant, il nous invite à renoncer à une référence paternelle endogène puisqu’un étranger peut devenir le fondateur. C’est sur ce livre que Freud meurt, Lacan meurt aussi en tentant à son tour de résoudre la possibilité de maintenir la consistance du réel, du symbolique et de l’imaginaire, de la jouissance phallique et de la jouissance autre en se passant de la référence paternelle tout en l’utilisant. Freud et Lacan vont mourir sur la même question.
Alors comment la psychanalyse d’aujourd’hui peut-elle continuer ce travail, ou la question du père est plus que jamais d’actualité ?
Pour aborder le cas de l’islam à laquelle Freud avait énoncé que , toujours dans l’homme Moïse et la religion monothéiste “ le développement interne de la nouvelle religion s’immobilisa bientôt, peut-être parce qu’il manquait l’approfondissement qui produisit dans le cas juif le meurtre perpétré sur le fondateur de la religion ».
Conclure trop rapidement à l’absence du meurtre du père dans l’islam nous met en difficulté pour comprendre ce qu’il en est vraiment de cette religion et de ce qui se joue aujourd’hui pour nous en Occident. Freud par ailleurs reconnaît sa méconnaissance du texte et s’en excuse lui-même.
Le propos de Moscovitz nous donne une sortie de l’impasse de toute la symbolique en islam, en proposant une alternance d’une présence acceptée et productive, mais également d’une absence qui voisine avec la destruction de cette même loi symbolique et abouti aux meurtres réels, comme cela s’est produit le 7 octobre 2023.
Rappelons ici la thèse de Hegel qui articule la rapidité du succès de l’islam au » degré élevé de l’abstraction de son principe… et à la plus haute abstraction de l’Un dans sa conscience »
L’islam retire à Allah ( qui veut dire « Le Dieu » en Arabe) toute possibilité de représentation ou d’imaginaire, il est le UN.
Le Coran insiste sur le fait que Dieu n’est pas le père, qu’il n’est ni engendré ni engendrant, donc l’idée que Dieu serait le père des musulmans est dès lors une aporie. Dans la suite logique, Allah retire la qualité de père au prophète de l’islam en le nommant « l’orphelin”, il est dit dans le texte que « Mahomet, n’est le père d’aucun d’entre vous ».
Nous ne pouvons donc attribuer la fonction de père au Dieu de l’islam ni à son prophète. La difficulté se cristallise à cet endroit à mon sens ; en effet comment penser la question du père dans une religion qui nettoie Dieu et son prophète de toute paternité ?
Il y a du père dans l’islam mais jamais là où nous le cherchons, le prisme de notre regard judéo-chrétien risque ici de faire scotome.
Revenir à l’origine peut néanmoins nous éclairer, une des rares occurrence du terme « père » dans le texte et la suivante « La religion de votre père Abraham ( Sourate XXII, verset 78). C’est lui qui vous a donné le nom de musulmans, autrefois déjà et ici même »(Sourate XXII , verset 78). Le père de la genèse dans la Bible est le père de la nomination en islam, l’ islam se réapproprie la filiation paternelle par Abraham, le narratif islamique institut l’origine dans une origine abrahamique et c’est là que les désaccords d’Abraham naissent.
Tout en reconnaissant Abraham comme un père, il n’en demeure pas moins que c’est un père doublement défaillant, d’abord parce qu’il a faussement interprété un songe comme étant l’injonction de Dieu à accomplir le du fils » Ismaël » et ensuite en abandonnant son fils premier-né à la demande de sa femme Sarah dans le désert d’Arabie.
Ayant été sauvé de la mort par une intervention divine , Dieu a entendu , ISMAEL , voulant dire « je t’ai entendu » il a été sauvé de la mort , lui qui hurlait de soif, par sa mère Agar qui d’après le récit islamique courut sept fois entre deux collines Safa et Marwa à la recherche d’un point d’eau , et c’est alors que jaillit la source de ZEMZEM , ce mouvement est devenu un rite essentiel du pèlerinage annuelle à la Mecque, les pèlerins accomplissent une course appelée la « Sa’y » entre les deux collines, c’est pour les musulmans un retour symbolique au mouvement d’Agar, à un mouvement circulaire autour d’un centre « la Kaaba » fait place un mouvement linéaire entre deux pôles au « fanâ » (anéantissement) succède le « baqua » (permanence), toujours selon le narratif islamique.
C’est ici que se réalise par le sauvetage du fils, la promesse faite aux arabes « car j’en ferai une grande nation »
Nous en déduirons alors que c’est dans le Don Abandon que se réalise la promesse puisqu’il fallait que le père « Abraham » s’absente pour qu’Ismaël advienne comme père de l’origine, une origine amputée de son origine première, Ismaël fils d’Abraham l’hébreu devient par la nomination du texte coranique père par un acte de parole performatif.
La paternité s’effectue par déplacement de l’origine première à une origine auto instituée, j’y vois quant à moi un meurtre par substitution, puisque la nation Arabe reconnait Ismaël comme celui qui a fondé la filiation. Cette métaphore est-elle possible sans le meurtre imaginaire du père de l’origine Abraham ? Je laisse la question ouverte.
Mais j’aimerais ici faire un balayage focal afin de me concentrer sur la figure d’Agar, le nom d’Agar n’apparaît JAMAIS dans le texte coranique, elle est décrite dans le texte comme une ombre, s’agitant dans de frénétiques allers retours entre les deux collines cherchant désespérément une source dans le désert, elle est la mère qui sauve le fils, le texte n’en dit rien d’autre.
J’interroge ici l’absence de la femme Agar, elle semble fonder avec son fils la descendance Arabique, pourquoi n’est-elle pas nommée ? Sa qualité d’esclave semble ici et surtout au 7eme siècle chez les Quraychites, tribu richissime de la Mecque faire tache ; car être les descendants d’une esclave n’était à l’évidence, pas conciliable avec la perfection présomptive de la oumma.
Cela étant dit, faire couple avec sa mère pour fonder une nation, n’est-ce pas ce qui nous intéresse ici ? la OUMMA vient de OUM qui veut dire mère, s’agit-il contre toute attente d’un matriarcat patriarcal ? Le père aurait -il donc servi d’accessoire accidentel ? partant de là, ce serait donc Agar et Ismaël qui auraient à eux deux assuré la continuité d’une chaîne se fondant uniquement sur son propre pouvoir. La rupture d’avec Abraham ferait donc échec à la métaphore paternelle et instaure de facto la métonymie maternelle.
Si comme nous l’avons vu, la oumma est investie par le lieu maternel, un lieu fermé, compact, non manquant, comment dès lors faire place au sujet ? puisque dans cette matrice, il reste (l’enfant) objet inanimé. Comment peut-il fonctionner sans reprendre à son compte le fantasme maternel et se faire objet de sa toute-puissance phallique ?
Nous avons vu ce fantasme mortifère fonctionner le 7 octobre lorsque la mère du terroriste aux mains pleines de sang des juifs lui dire « oh mon chéri, j’aurais tellement aimé être avec toi » ; ou lorsque certaines mères encouragent leurs fils à mourir en Chahid (martyr NDRL)pour le chemin d’Allah, la question est donc de savoir comment nous psychanalystes pouvons trouver l’articulation entre ces deux thèmes, c’est-à-dire celui de l’échec de la loi symbolique en rapport avec la clôture de la mère « oumma » ?comment sortir de cette impasse avec les mots de la psychanalyse?
1 réflexion au sujet de “Accord, désaccord d’Abraham, loi symbolique et loi maternelle. Malaise dans l’origine. Face au 7 octobre 2023”