par David Duquesne
Pourquoi certains massacres islamistes suscitent des élans de fierté : un choc culturel entre deux visions du monde
Chaque fois qu’un massacre terroriste islamiste frappe l’Occident ou Israël, une partie du monde musulman – et parfois de ses diasporas occidentales – réagit avec fierté, solidarité ou silence gêné. Les attentats du 11 septembre, ceux de Londres, Madrid, Toulouse, les pogroms du 7 octobre en Israël ou encore les décapitations de civils en Algérie ont tous déclenché, au-delà de l’horreur, des vocations, des conversions et des justifications.
Pour un Occidental, élevé dans l’idée que le massacre de civils est toujours un mal, cette réaction semble incompréhensible. Et pourtant, elle est explicable — non par la religion seule, mais par l’histoire, la géopolitique, et la psychologie collective.
Le djihâd comme geste de fierté
Le djihadisme ne vise pas seulement à tuer : il vise à humilier l’adversaire et à redonner de la puissance symbolique aux humiliés. Ce que le monde occidental interprète comme un acte de barbarie est parfois lu dans certains milieux comme un sursaut d’honneur, une revanche face à des siècles de domination coloniale, de guerres perdues et d’humiliations médiatiques.
Quand un terroriste tue au nom de l’islam, il devient, dans certaines représentations, un héros viril, un homme qui “ose”. Il n’est plus un sujet dominé, mais un acteur. Le massacre devient un message.
Le récit victimaire inversé
Le monde musulman, dans une large partie de ses élites culturelles, politiques et religieuses, s’est construit sur un récit de dépossession : l’Occident aurait tout pris – les terres, les ressources, la dignité. L’antisémitisme moderne s’y greffe sous une forme “antisioniste”, l’État d’Israël étant présenté comme le bras armé du monde occidental. Dès lors, chaque acte de terreur contre l’Occident ou Israël est interprété non comme un crime, mais comme une riposte légitime, voire sacrée.
Médias, réseaux et effet de halo
Sur les chaînes arabes comme dans de nombreux groupes Telegram, des extraits des attaques sont diffusés avec un montage héroïque : chants martiaux, ralentis, drapeaux, poings levés. Ce traitement médiatique transforme le crime en exploit. Le djihadiste devient un “combattant de la liberté”, et l’horreur, une forme d’art politique.
L’Occident désarmé face à ce système de valeurs
L’Occident libéral universaliste repose sur l’idée que toute vie humaine a une valeur absolue. Il refuse l’idée de guerre sacrée, de vendetta légitime, ou de purification morale par la violence. Ce choc de représentations explique pourquoi les pogroms du Hamas, pourtant ultra-documentés (viols, meurtres d’enfants, mutilations), ont été niés, minimisés, voire célébrés dans certains cortèges à Paris ou Londres. Ce n’est pas seulement un affrontement militaire ou politique. C’est une fracture entre deux systèmes moraux : l’un universaliste, l’autre tribal, religieux et revanchard. Pour certains, le massacre devient une affirmation d’existence.
Une idéologie plus ancienne
Pour comprendre pleinement pourquoi certaines franges du monde musulman réagissent avec fierté ou silence complice après des actes djihadistes, il faut remonter à l’histoire politique du monde arabe contemporain. Car avant de se traduire en pulsions religieuses, cette volonté de revanche sur l’Occident fut d’abord politique, raciale et nationaliste. Et c’est précisément ce que révèle l’histoire parallèle – et trop souvent occultée – du panarabisme, héritier idéologique du pangermanisme européen.
Du panarabisme au panislamisme : le recyclage d’un pangermanisme antijuif et anti-occidental
Le XXe siècle a vu naître et échouer deux grands projets impériaux non occidentaux : le pangermanisme aryen et le panarabisme musulman. Si le premier s’est écroulé avec la Seconde Guerre mondiale, le second a muté en une idéologie toujours vivace, nourrie par l’islam politique et le rejet de l’Occident.
Ce que peu d’intellectuels osent dire : le panarabisme des années 60–70 a souvent calqué ses structures mentales sur le pangermanisme, avec l’antisémitisme en pivot. [Bat Ye’Or en a beaucoup parlé dans ses ouvrages historiques, mais on l’a traitée de complotisme NDRL]. Son échec a ouvert la voie à un panislamisme globalisé, plus religieux, plus violent et plus résilient.
Le panarabisme : un nationalisme racial déguisé
Né dans les ruines du colonialisme, le panarabisme prétendait unifier tous les peuples arabophones en une grande nation. Il était officiellement laïque, socialiste, anticolonial. Mais en réalité, il reposait sur une vision ethnique (l’Arabe comme “peuple noble”), une mythologie de grandeur perdue, et un antisémitisme radical, caché sous un vernis antisioniste.
Des penseurs comme Michel Aflaq, influencés par le jacobinisme français mais aussi par les nationalismes allemands, ont structuré une pensée homogénéisante, souvent hostile aux Kurdes, Berbères, Juifs ou chrétiens arabes.
Le basculement : de la race à la foi
Après la défaite arabe de 1967 contre Israël, le panarabisme échoue. Les Frères musulmans, l’Arabie saoudite, l’Iran révolutionnaire puis Al-Qaïda et Daech reprennent la flamme. Ce n’est plus la race qui unit, mais la foi. L’unité passe désormais par l’islam et non plus par la langue ou l’origine.
Le Sud global comme matrice idéologique
Dans les années 60–70, la lutte contre l’impérialisme occidental structure tous les récits. Israël est vu comme un implant néocolonial. Le monde arabe devient l’avant-garde du “Sud global”, glorifiant les guérillas, les mouvements armés, et recyclant l’antisémitisme dans un langage marxiste ou tiers-mondiste.
Le rôle des diasporas et du ressentiment
Aujourd’hui, dans les banlieues françaises ou belges, ce récit panislamiste post-colonial est omniprésent. Il explique l’échec personnel par l’histoire collective, transforme le ressentiment social en haine politique, et fait du djihadiste une figure de revanche héroïque. Les mêmes ressorts sont activés : pureté, justice vengeresse, haine des Juifs, rejet de l’Occident
Conclusion générale
L’Occident se heurte aujourd’hui à un double héritage idéologique : celui d’un panarabisme racial déguisé, nourri d’antisémitisme, et celui d’un panislamisme viril et victimaire, justifiant la terreur comme expression ultime d’une dignité restaurée.
Comprendre ces logiques, c’est refuser les euphémismes. Et peut-être, retrouver les moyens d’y répondre — politiquement, culturellement, et moralement.