antiracisme, inclusivisme, Politiquement Correct

Changer de peuple : chronique d’un mépris programmé

par David Duquesne

Il faut croire qu’en France, le seul peuple dont on puisse se moquer sans crainte, c’est le peuple français lui-même. Plus exactement : le peuple français historique, celui des campagnes, des villes ouvrières, des zones pavillonnaires grises et silencieuses. Celui qui se lève tôt, parle fort, pense simple, aime son pays sans ironie et sa cuisine sans quinoa. Celui-là, on l’a d’abord ignoré, puis ringardisé, enfin criminalisé.

Cette mécanique n’a rien d’un accident. Elle s’est déployée en plusieurs étapes, comme un plan sans planificateur : un mouvement d’ensemble, porté par une caste qui prétend aimer les peuples, à condition qu’ils viennent d’ailleurs.

Le point de départ : mai 68 ou le divorce de la gauche avec le peuple

Tout commence à la fin des années 60, lors de cette fameuse flambée que fut Mai 68. On a trop souvent oublié que ce mouvement n’a jamais été une révolution populaire. C’était, dans sa majorité, une agitation étudiante, bourgeoise, portée par des fils de bonne famille jouant à la lutte des classes dans les amphithéâtres. Ces jeunes-là lisaient Mao, rêvaient de libérations sexuelles collectives et d’utopie égalitaire. Mais ils méprisaient déjà, sans même s’en rendre compte, les ouvriers réels.

Or ces ouvriers, eux, n’avaient pas les mêmes rêves. Ils demandaient des augmentations de salaires, des logements décents, des conditions de travail humaines. Rien de révolutionnaire : du concret, du matériel, du vital. Et ce décalage immense a produit un choc. Les étudiants ont vu dans les ouvriers des traîtres à la Cause. Et les ouvriers, eux, n’ont pas compris ce que ces jeunes agités leur reprochaient. Le fossé était creusé. Il ne s’est jamais vraiment refermé.

Ce sont pourtant ces étudiants qui, peu à peu, ont pris le pouvoir symbolique : dans les médias, les universités, les cabinets ministériels. À partir de 1981, avec l’arrivée de Mitterrand, beaucoup de ces soixante-huitards en costume Mao ont troqué le pavé contre la moquette des bureaux. Et ils ont commencé à remodeler la société à leur image — non pas en construisant, mais en détricotant : les repères, les traditions, les figures du peuple.

Beaufisation : quand l’ouvrier devient un problème

L’une des premières cibles de cette nouvelle élite fut le Français moyen : l’ouvrier, le paysan, le petit fonctionnaire de province. Et pour mieux l’éliminer symboliquement, il fallait d’abord le ridiculiser.

C’est ainsi qu’apparut le personnage du “beauf”, dessiné par Cabu. Mi-franchouillard, mi-facho, amateur de saucisson, de bibine et de blagues grasses, le beauf n’est pas une caricature gentille. Il est une figure de détestation. Il incarne le Français de base, celui dont il faut avoir honte. Puis vint Coluche avec son personnage de “Gérard”, beauf aviné, raciste et borné. Cette France-là ne faisait plus rire avec tendresse : elle faisait rire contre elle-même.

Et ce rire, venu d’en haut, se propagea. Car c’est bien un mépris de classe qui s’exprimait sous couvert d’humour. L’ouvrier était trop français, trop blanc, trop enraciné. Il gênait la nouvelle mythologie progressiste. Alors on le beauffisa. On le transforma en archétype repoussant, incapable de comprendre le monde, forcément réac, potentiellement raciste. Un poids mort.

Ringardisation : quand le peuple devient un décor comique

Au fil des années 80 et surtout 90, le processus se raffine. Il ne s’agit plus seulement de moquer : il faut déclasser culturellement. Faire du peuple une antiquité vivante, un souvenir un peu gênant qu’on exhibe comme un objet de musée.

C’est le triomphe des Deschiens, de Jérôme Deschamps : des figures grotesques, habillées comme dans les années 70, s’exprimant comme des enfants attardés, vivant dans un monde figé et sentant la naphtaline. Les Deschiens ne représentent plus le peuple : ils le momifient. Ils en font un objet de moquerie durable, déconnecté du réel.

Et ce n’est pas fini. La même veine se poursuit avec Les Tuche, Bienvenue chez les Ch’tis, Camping : autant de comédies populaires qui, sous prétexte de tendresse, offrent un regard condescendant sur les classes populaires. Elles sont attachantes… parce qu’elles sont bêtes. On les aime… parce qu’elles sont perdues. On les filme… comme des curiosités.

Parallèlement : la sacralisation de « la diversité »

Pendant que le peuple français historique est tourné en dérision, un autre peuple émerge dans le discours officiel : celui des “quartiers”, des “minorités”, de la “diversité”. Il devient l’objet de toutes les attentions, de toutes les politiques, de toutes les protections.

Là où l’ouvrier français devient un beauf raciste, l’immigré devient une victime sacrée. Là où le peuple autochtone est moqué pour ses mœurs, ses goûts, sa lourdeur, le jeune des cités est magnifié, poétisé, mythifié.

Cette inversion est fondamentale. Elle ne vise pas l’égalité, mais la substitution symbolique. Elle consiste à dire : ce que vous étiez, nous n’en voulons plus. Nous préférons autre chose. Une autre France. Un autre peuple.

La collaboration : un fardeau que le peuple n’a pas choisi

L’un des plus grands tours de force de la gauche bourgeoise française aura été de faire porter au peuple la honte d’une collaboration qu’il n’a ni pensée, ni décidée, ni théorisée.

On nous répète depuis quarante ans que “les Français ont été pétainistes”, comme si un peuple tout entier avait sombré dans la lâcheté, la délation, l’antisémitisme et la trahison. Ce récit a été martelé par le monde universitaire, les manuels scolaires, les plateaux télé, les films, les pièces de théâtre — tous largement tenus par des héritiers de la gauche intellectuelle.

Mais ce récit est mensonger.

Qui a porté Pétain au pouvoir ? Ce n’est pas le peuple.

En juillet 1940, quand la République s’effondre, le peuple n’est pas consulté.
Ce sont les parlementaires, réunis à Vichy, qui votent à une écrasante majorité les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Parmi eux, une majorité d’anciens radicaux-socialistes, de députés SFIO, de pacifistes de gauche.

Ce ne sont pas les paysans du Massif Central ou les ouvriers de Valenciennes qui ont fabriqué Pétain : ce sont les élites républicaines, qui l’ont appelé à la rescousse, portées par leur propre panique, leur pacifisme, leur dégoût de la guerre

Le mythe de la France “pays des collabos” est une auto-accusation mise en scène par les élites pour effacer leur propre responsabilité

Qu’on le dise une bonne fois : ce ne sont pas 40 millions de Français qui ont écrit à Vichy pour dénoncer des juifs.
Ce fantasme — popularisé par des films, des romans, des œuvres de repentance — est un mensonge, une calomnie nationale.

Car les faits sont là :
75% des Juifs présents en France en 1940 ont survécu à la Shoah.
En Pologne, aux Pays-Bas, les taux de survie sont bien plus faibles.
Pourquoi ? Parce que des milliers de Français modestes, souvent catholiques, souvent ruraux, souvent silencieux, ont caché, protégé, désobéi.
Et ce sont ces gens-là que la gauche bourgeoise a osé salir de manière durable.

Un peuple accusé et diabolisé pour que les élites s’absolvent.

En résumé, les élites de la collaboration ont réécrit l’histoire pour désigner un bouc émissaire : le peuple. Et elles ont ainsi pu blanchir leur propre rôle, retourner la culpabilité et, à travers elle, construire un nouveau récit républicain qui criminalise le passé populaire français. Elles ont transformé le peuple français en suspect éternel.
Elles ont fabriqué un peuple coupable de tout : du pétainisme, de l’antisémitisme, du racisme, du populisme, de la grossièreté, du franchouillardisme. Et elles ont fait de leur propre passé collaborationniste un simple accident de parcours, vite effacé sous un vernis d’antiracisme militant.

Criminalisation : le populisme comme étiquette infamante

À partir des années 2000, un mot-clé fait son apparition : le populisme. Et sous ce terme fourre-tout, on range toute parole populaire non autorisée. Le populisme devient un synonyme de fascisme latent, de dérive brune, de pulsion irrationnelle.

Refuser l’immigration massive ? Populiste. Vouloir conserver ses traditions ? Populiste. Être attaché à son mode de vie ? Populiste, donc dangereux.

Désormais, le peuple est non seulement moqué, mais suspect.
Ses aspirations sont pathologisées. Sa parole est surveillée.
On ne lui reconnaît plus de légitimité politique. Il vote mal, il pense mal, il n’a pas fait Sciences Po.

Le mensonge en héritage : ne pas se remettre en question, hier comme aujourd’hui

Ce qui frappe le plus, quand on observe le comportement des élites françaises, c’est leur incroyable capacité à effacer leurs propres fautes en accusant les autres. Aujourd’hui, c’est le même réflexe, transposé à une autre époque, un autre décor, un autre enjeu.
Car depuis trente ans, les mêmes élites ont fait un pari risqué : celui de substituer le peuple français historique par un autre peuple. Un peuple issu de l’immigration, présenté comme plus malléable, plus “ouvert”, plus conforme aux nouveaux dogmes multiculturels. Ce projet s’est appuyé sur des slogans — « vivre-ensemble », « diversité », « inclusion » — et a balayé tous les signaux d’alarme : communautarisme, islamisme, violences urbaines, déscolarisation, effondrement de l’autorité, défiance vis-à-vis de la laïcité, contestation des programmes scolaires, etc.

Mais voilà : le réel est revenu. Sous forme de djihadistes, de territoires perdus de la République, d’enseignants menacés ou décapités, de cartes scolaires ethniquement ghettoïsées, de refus d’assimilation, d’explosions communautaires.
Et pourtant, les élites refusent encore d’admettre leur responsabilité.

Elles préfèrent minimiser, euphémiser, psychiatriser les faits :

Un attentat islamiste ? “Un déséquilibré.”
Une agression gratuite ? “Un fait divers isolé.”
Un refus de minute de silence ? “Un malentendu culturel.”
Un jeune qui traite un prof de “sale juif” ? “Une parole en colère, dans un contexte tendu.”

Et surtout, surtout : accuser ceux qui osent dire ce que tout le monde voit.
Celui qui dénonce devient “islamophobe”, “fasciste”, “réactionnaire”.
Le négationnisme du réel demeure un puissant aphrodisiaque idéologique.

Le cap est plus important que les dégâts

Tout cela révèle une chose : le cap idéologique est plus important que la réalité, plus important que les victimes, plus important que la vérité. Ce que les élites françaises veulent sauver, ce n’est pas le pays. C’est leur récit, leur œuvre, leur morale, leur confort intellectuel. Elles ne veulent pas revenir en arrière, même au bord du gouffre.
Elles ne veulent pas admettre que le projet a failli. Elles ne veulent pas dire qu’elles se sont trompées. Et si le prix à payer est une France fracturée, des attentats, des quartiers perdus, des enfants déculturés — ce sera le prix du maintien du récit.

L’effet Sartre : quand la mauvaise foi devient méthode de gouvernement

Ce refus acharné, presque pathologique, de reconnaître les erreurs, de revoir les dogmes, de revenir sur les choix désastreux — il ne vient pas de nulle part.
Il s’enracine dans un héritage intellectuel bien particulier : celui de Jean-Paul Sartre, et plus largement de l’existentialisme français, qui a imposé dans la vie intellectuelle et politique une vision radicalement déconnectée du réel, où l’intention vaut plus que le résultat, et où la faute ne doit jamais être assumée, mais projetée.

Sartre, on le sait, est le maître incontesté de la mauvaise foi.
Il aura été stalinien sans admettre le totalitarisme meurtrier de l’URSS, maoïste zélé devisant sur les charniers de la Grande Marche, tiers-mondiste appelant à tuer du Français dans le confort de Saint-Germain -des-Près, et pro Mollahs sans complexes!
Il aura refusé jusqu’au bout de reconnaître ses errements idéologiques les plus graves — tout en donnant des leçons de morale à la planète entière.
Et ce modèle a fait école : ne jamais s’excuser, ne jamais reconnaître ses erreurs, mais disqualifier le réel quand il contredit l’idée.

Le réel ne compte pas, seule compte la position morale

C’est là le cœur du legs sartrien : l’intellectuel ne doit pas décrire le monde, mais le juger ; il ne doit pas constater, mais s’engager.
Et quand le monde réel contredit l’idée, alors tant pis pour le monde.
Le réel devient réactionnaire, raciste, populiste.
Et ceux qui le rappellent deviennent, eux, les vrais coupables.

De là découle le mépris pour les faits, pour les chiffres, pour les bilans.
On ne gère plus, on ne répare plus : on “témoigne”, on “lutte”, on “alerte”.
Peu importe que l’immigration de masse ait fragmenté le pays : ceux qui la critiquent sont des salauds. Peu importe que l’école s’effondre : ceux qui défendent l’autorité sont des réacs. Peu importe que l’islamisme tue : ceux qui l’analysent sont des obsédés.

La conséquence : une élite formée au mensonge moral

De Sartre à Bourdieu, puis aux avatars postcoloniaux, indigénistes ou décoloniaux, s’est diffusée une culture de l’irresponsabilité intellectuelle. Une culture où l’on n’a jamais tort, parce que l’on est du bon côté. Une culture où admettre une erreur, c’est trahir la cause. Et donc : plutôt trahir le réel que trahir l’idéologie.

Les hauts fonctionnaires, les cadres de l’Éducation nationale, les producteurs de contenus culturels, les journalistes de l’audiovisuel public, ont été formés dans cette matrice. Pas toujours marxistes, mais toujours moralisateurs. Pas toujours militants, mais toujours du bon camp. Et aujourd’hui, face aux ruines qu’ils ont eux-mêmes construites, ils font comme Sartre face à l’URSS :
ils regardent ailleurs, ils parlent de la guerre d’Algérie, du RN, de l’ombre de Pétain — mais surtout, ils ne se remettent pas en cause.

Et aujourd’hui : la société de la préférence diversitaire

Nous sommes arrivés au bout du processus. Une société où les « damnés de la terre » sont devenus le nouveau prophétariat et où les anciens bâtisseurs sont devenus les fautifs permanents. Une société où “diversité” est un mot magique, mais où “France” est une gêne. Une société où l’on peut rire de Gérard et de Ginette, mais pas de Mamadou ou de Fatima. Une société où la mémoire ouvrière est effacée, remplacée par une mémoire importée, sacralisée. Il n’y a pas d’égalité là-dedans.
Il y a un changement de peuple symbolique. Une volonté d’en finir avec les Français d’en bas, les Français de branche et de souche, les Français d’héritage et d’adoption, d’en finir avec la France.

2 réflexions au sujet de “Changer de peuple : chronique d’un mépris programmé”

  1. Juste et impeccable démonstration, monsieur Duquesne.

    En 67-69 j etais etudiant a Nanterre et tout a commencé là, comme vous le dites. Vous avez raison de cibler la culture de l’irresponsabilité.

    Et quand je lis :  »Une culture où l’on n’a jamais tort, parce que l’on est du bon côté. Une culture où admettre une erreur, c’est trahir la cause. Et donc : plutôt trahir le réel que trahir l’idéologie. » j’aimerais ajouter pour ma part qui ai vécu en Algérie jusque en 1993, que cette ideologie ds le monde musulman a ses racines dans l’islam. Le Prophete est  »le bel objet ». Infaillible comme plus tard le Pape.

    Bien a vous

    Jean-Pierre Lledo

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  2. Cela a commencé avec la Révolution française, lorsque être français est devenu un droit par la naissance sur le sol. De facto, était renié le fait d’être français par le sang. La suite n’est qu’une longue chute logique.

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