alterjuifs, antisémitisme, antisionisme, désinformation, Médias et conflit israélo-palestinien

Achille Mbembe, dernière victime de l’apartheiditisme*

Par Liliane Messika, essayiste, traductrice et romancière

Où est-il, où va-t-il et dans quel parti il erre ?

Achille Mbembe, invité sur France Culture, est présenté comme un professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université de Witwatersrand à Johannesburg et comme un chercheur au Wits Institute for Social and Economic Research (WISER), lauréat du prix Ernst-Bloch en 2018. 

« Penseur de la traversée et de la circulation », explique pompeusement la voix désincarnée qui cultive le ton France-Cul, « Achille Mbembe articule ses réflexions autour des questions de la mémoire et de l’oubli, du différent et de la domination. Indocile et mouvant, il se présente lui-même comme « une pierre qui roule et qui amasse ce qu’elle trouve sur son chemin. » »

Il manque à cette présentation une information essentielle, qui est le positionnement de l’artiste camerounais : indocile, peut-être, mouvant, sûrement, mais surtout, avant tout, adepte inconditionnel du post-colonialisme.

Il parle bien, mais il parle toujours du même endroit et quel que soit son sujet, celui-ci s’articule autour d’une binarité dont le colonialisme est toujours l’un des éléments.

Achille Mbembe considère sa pratique intellectuelle comme une « exploration de la communauté terrestre en tant que dernière utopie en ces temps viraux. Il se présente comme indocile, voire indiscipliné et pense que le travail commence quand on a trouvé le mot juste. Alors il met au point des concepts : le brutalisme, le nano-racisme, mais aussi l’éthique du passant. » 

Art scénique et vieilles rengaines

« Pour moi la philosophie est avant tout un projet de lecture et de relecture de notre présence au monde. »  Ou comment répéter le banal « je pense donc je suis » en le noyant dans une verbeuse complexification.

« Une grande partie de mon travail consiste à dépasser la dogmatique de la différence et à explorer les voies et les moyens par lesquels nous pouvons tisser ensemble sur la terre. Je suis né quelque part mais j’ai passé l’essentiel de ma vie à circuler. Mon identité se trouve dans ces allées et venues, ma pensée est une pensée de la traversée ».
Ou pour le dire autrement,  Si tous les gars du monde se donnaient la main, je ne gagnerais pas ma vie en parlant de mes voyages.

« Je ne crois pas du tout en une sorte d’universalisme abstrait. Dans la pensée afro-diasporique, les termes qui nous mobilisent sont le Tout-monde, la planétarité ou la Terre avec un T majuscule comme le point zéro de notre appartenance commune pas seulement à l’humanité, mais au vivant. »

Traduction pour le vulgum pecus qui ne parle pas couramment l’Achille Mbembe : Je me prétends de partout, mais je ne pense qu’en termes d’Afro-quelque chose. Je voudrais que les hommes soient tous frères, entre eux, mais aussi avec les choux de Bruxelles et les ratons laveurs.

On a envie de lui citer Grégoire Lacroix qui, dans Un seul soleil, chacun son ombre[1], évoque les fontaines de village qui se prennent pour les chutes du Niagara. Et de lui faire remarquer que Francis Bacon (pas le peintre du XXe siècle, le philosophe du XVIIe), avait déjà dit la même chose, mais en miroir : « Chacun bâtit dans son cerveau un petit univers dont il est le centre ». Cela ressemble à Mbembe comme deux détachements sphériques d’un corps liquide incolore.

Cela dit, Bacon étant plus modeste que Mbembe, n’estimait pas avoir besoin d’inventer la « planétarité », quand l’universalité concrète était à portée de son encrier.

À la façon dont il conceptualise la pensée la plus banale, on comprend que Mbembe soit la coqueluche des France-cultivateurs. Et dans un élan de fraternité universelle, on craint qu’il finisse par se noyer dans une coupe de champagne, comme nombre de ceux qui ont fait leur la devise du cardinal de Retz : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses propres dépens ».

Rénover un mot pour diffuser de vieux maux

Parmi ceux-là, l’antisémitisme est le mauvais sentiment au monde le mieux partagé. Contrairement au bon sens, si chacun pense en être bien pourvu, tous désirent de celui-là plus qu’ils en ont. La haine du Juif est si gratifiante, qu’à l’instar de l’amour décrit par le Dr Schweizer, quand on la partage, elle se multiplie au lieu de se diviser.

Se faire aimer grâce au préjugé commun, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est haïr tous ensemble dans la même direction. Les musulmans se tournent vers La Mecque pour prier, les Juifs vers Jérusalem pour bénir, les Occidentaux itou, mais pour maudire.

La spécialité d’Achille Mbembe est de rénover ou de créer des mots, voire des périphrases, pour remplacer ceux qui existent déjà, afin de réinventer la roue et la rumeur, en leur conférant une aura de mystère qui fait office de profondeur.

Autant dire que quand ce « penseur de la traversée et de la circulation » parle d’apartheid pour qualifier la politique d’Israël vis-à-vis des Palestiniens, ce mensonge doublé d’approximation, qui utilise un mot pour décrire son contraire est un procédé qui ne relève pas de la maladresse.

Monsieur Postcolonial ne peut pas ignorer ce qu’est l’apartheid : la division d’une population sur des critères raciaux au sein d’un même pays, où les dominants, en nombre inférieur aux dominés, se livrent sur la majorité à une mainmise brutale quasi esclavagiste.

Mbembe s’emploie à noircir le blanc et à blanchir le noir

Puisque le penseur pense le conflit israélo-palestinien, parlons-en.

Les Accords d’Oslo ont été signés entre les deux parties en 1993. Leur mise en œuvre a été interrompue en 2000 par celle des deux qui ne les a pas respectés et qui a même, activement, enfreint la principale condition la concernant : le recours à une violence, devenue l’idéal des « djeunes des quartiers » sous le nom d’Intifada.

Celle-ci a été inaugurée le 30 septembre 2000. Mme veuve Arafat rappelait récemment qu’elle avait passé les deux mois précédents à tenter de convaincre son mari de ne pas la lancer alors qu’il était en pleins pourparlers de paix[2].

Cela n’empêche pas les médias, les politiciens et, encore plus grave, les enseignants français[3] de prétendre qu’elle fut une réaction spontanée à une provocation insupportable : la visite d’un député israélien sur le Mont du Temple, le plus sacré des lieux saints juifs.

Pourtant, un certain nombre de mesures de ces Accords avaient été mis en œuvre, qui n’ont pas été abolis malgré la rupture palestinienne.

La première et la plus importante de ces mesures est qu’Israël renonçait progressivement à son occupation des Territoires disputés : l’administration civile et militaire de l’Autorité palestinienne s’exerçait sur la zone A, où vivaient environ 50% de la population palestinienne, la zone B (40% de la population) était sous contrôle civil palestinien et sous contrôle militaire conjoint israélo-palestinien. Enfin, la zone C (où vivaient 6% des Palestiniens) restait sous contrôle israélien, au plan civil comme militaire.

Il y a donc, aujourd’hui en 2021, deux populations, deux administrations, deux juridictions et deux territoires distincts, ou plutôt trois, car dans la Bande de Gaza, deux ans après qu’elle ait cessé d’être occupée, le Hamas a éliminé l’Autorité palestinienne par un coup d’État (en 2007). 

Achille Mbembe a-t-il été noirci par une accusation d’antisémitisme ?

C’est ce dont le défend un autre post-colonial, Jean-François Bayart, que cette accusation fait MDR, mourir de rire : « En Allemagne l’historien-philosophe camerounais Achille Mbembe est accusé d’antisémitisme pour avoir osé évoquer dans son essai «Les Politiques de l’inimitié» le régime d’apartheid à propos de la politique israélienne dans les Territoires occupés. En dépit du caractère grotesque de ces accusations, je crois devoir les rejeter à mon tour, car la France n’est pas à l’abri de ces amalgames. Après tout il s’est trouvé au moins un tribunal français pour confondre l’antisionisme et l’antisémitisme…[4] »

S’il y a bien quelque chose de grotesque, c’est de qualifier d’apartheid la situation faite par un État à une population qui est administrée par un gouvernement qu’elle a élu.

S’il y a une autre chose encore plus grotesque, c’est de ne pas reconnaître que l’antisémitisme (qui a consisté à éliminer 6 millions de Juifs européens au XXe siècle) est identique à l’antisionisme, qui consiste à vouloir aider les Arabes du Moyen-Orient à éliminer les 7 millions de Juifs de la région.

Bayart écrit sur Mediapart (évidemment !) et il parle du même endroit que Mbembe, se référant au même « théorème » dont la troisième proposition est claire : « pour maintenir son unité nationale, la France doit assumer son passé colonial et reconnaître les traces qui en subsistent.[5] »

On croyait que le nombre d’Algériens présents en France et le nombre encore plus grand de ceux qui demandent un visa pour y venir, tout comme l’empilement de lois françaises favorisant les ressortissants algériens, témoignaient de la partie française de cette reconnaissance, mais la question est plus universelle, car elle consiste à faire peser sur les Blancs, dans leur ensemble, tous les crimes passés de la colonisation et de l’esclavage, en omettant volontairement la culpabilité des premiers criminels noirs et arabes[6].

L’accusation d’antisémitisme ne fait pas « MDR » tout le monde

« Quant à la compréhension d’Achille Mbembe à l’égard du BDS, nombre d’intellectuels sud-africains la partagent, dont certains, juifs et membres de l’ANC, ont eu un rôle éminent dans la mobilisation contre l’apartheid, tel Ronnie Kasrils. Elle relève des choix politiques personnels et de la liberté de conscience que toute démocratie se doit de garantir » explique le chevalier Bayart défendant le soldat Mbembe.

La référence à la religion de « certains », qui partageraient la compréhension dont fait preuve Achille Mbembe vis-à-vis d’une organisation qui singularise Israël, d’entre tous les États au monde, pour exiger contre lui des sanctions qu’elle ne demande contre aucun autre, cette référence est intéressante à double titre.

En premier lieu, le défenseur des droits de discriminer les Juifs, en amalgamant religion juive et peuple juif, justifie par là-même l’existence de l’État que BDS s’est donné pour mission de détruire.

Deuxièmement, en France le boycott est interdit lorsqu’il se pratique comme une discrimination : « le fait d’entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque » (Code pénal, art.225-2) « en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. » (art.225-1)

Ceux qui prétendent que leur aversion vis-à-vis de l’État juif est en réalité une critique argumentée de sa politique, médisent de lui, quel que soit son gouvernement et quoi que fasse celui-ci.

BDS, l’un des mieux financés, et donc des plus visibles ennemis d’Israël, a été « lancé par la société civile palestinienne en 2005, suite à des dizaines d’années de lutte contre Israël et sa politique d’apartheid[7]», c’est-à-dire l’année où Israël a quitté Gaza et alors que les Accords d’Oslo étaient en vigueur, comme ils le sont toujours. C’est-à-dire lorsque les Palestiniens ont élu leur président et se sont dotés d’un gouvernement propre.

La différence entre critique et discrimination est facile à établir

Elle est démontrée par le fait d’exiger de l’État juif ce qu’on ne demande à nul autre et de militer pour que les     autres États exercent contre lui des sanctions qui ne sont demandées contre nul autre, même ceux qui pratiquent un apartheid véritable (la Chine contre les Ouïghours, le Liban contre les Palestiniens), voire l’esclavage, tel que le reconnaît l’ONU : « nous pouvons estimer qu’il existe aujourd’hui à peu près 27 millions d’esclaves. Où sont-ils ? La plupart d’entre eux, quelque 15 à 20 millions de personnes, se trouvent en Inde, au Pakistan et au Népal. Les autres sont concentrés en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord et de l’Ouest[8] ».

Le défenseur de la discrimination exclusive contre l’État juif convoque un ex-juif comme témoin à charge, invitant « à reprendre le journal de Victor Klemperer qui, à plusieurs reprises, et en tragique connaissance de cause, consigne des propos du genre de celui-ci : “Pour moi, les sionistes qui prétendent renouer avec l’Etat juif de l’an 70 p. C. (destruction de Jérusalem par Titus) sont tout aussi écœurants que les nazis. Avec leur manie de fouiner dans les liens du sang, leurs “vieilles racines culturelles”, leur désir mi-hypocrite, mi-borné de revenir aux origines du monde, ils sont tout à fait semblables aux nazis” (Mes Soldats de papier. Journal. 1933-1941, Le Seuil, 2000, p. 118). »

Le post colonial aurait dû poursuivre sa citation, qui se terminait par une précision que ses coreligionnaires en post colonialisme adorent oublier : « C’est ce qu’il y a de fantastique chez les nazis, ils vivent dans une communauté idéologique à la fois avec la Russie soviétique et avec Sion ». Oh oh ! Nazisme et communisme, même combat : dans la réalité, tous contre le sionisme. Mais Klemperer n’aimait pas les « ismes » et les amalgamait dans le mauvais sens.

Ces quelques lignes d’un journal intime de 800 pages sont les seules (et non « à plusieurs reprises ») que retiennent les antisémites. Pourtant, il y en a, des choses à retenir, dans l’œuvre majeure de Klemperer, qui détricote la novlangue nazie, et dans son journal, chronique du nazisme vécu par un Juif au quotidien. Un ex-juif, qui s’était, en fait, converti au protestantisme en 1912, mais Hitler ne s’arrêtait pas à ces détails. Un ex-juif, qui se considérait avant tout comme un Allemand et qui rêvait d’une guerre contre la France pour reprendre l’Alsace et la Lorraine.

Un Allemand qui écrivait, en 1933 : « Personne ne me prendra ma germanité […]. Je dois tenir bon, c’est l’esprit qui tranche, pas le sang ; de ma part, le choix du sionisme serait une comédie – le baptême n’était pas une comédie.[9]» Un protestant sincère que l’on ne peut prendre, pour 3 lignes sur des millions, comme caution de l’antisionisme.

L’union con-sacrée contre les Juifs

L’antisémitisme permet à des gens qui sont en désaccord sur tout, de se retrouver à scander ensemble des slogans contre les Juifs et leur État. Joël Kotek, Professeur à l’ULB et à Sciences Po Paris[10], remarque que leur seul point de concorde est le fait qu’ils veulent tous voir les Juifs disparaître « pour n’avoir nulle place à vivre, pas plus en diaspora (antisémitisme traditionnel) que sur sa terre d’origine (antisionisme radical). » Et de citer un Insoumis (Christophe Rufin) et un activiste d’extrême-droite (Alain Soral), l’ex-leader du Ku Klux Klan (David Duke) et l’une des égéries démocrates de l’extrême-gauche américaine Ilhan Omar, qui avait accusé, entre autres, les sionistes américains de corrompre le Congrès américain.

Outre-Quiévrain, un Juif israélophobe, Henri Goldman, administrateur de l’Union des progressistes juifs de Belgique (le mot important est « progressistes » dans son acception de conformisme à l’idéologie woke), est convoqué au chevet du philosophe-prof à Johannesburg. Il atteste que « L’Allemagne n’en finit pas d’expier les crimes des nazis, mais elle le fait souvent de la pire des façons : en mettant en œuvre un philosémitisme dévoyé en soutien inconditionnel à Israël, et ce au moment même où le gouvernement de Jérusalem vient de franchir un nouveau palier dans son déni des droits des Palestiniens.[11] »

Accusez, accusez Israël, il en restera toujours quelque chose dans les médias

On a beau chercher sur Google, la seule mention d’un déni de droit des Palestiniens, autour de cette date (8 mai 2020), est un communiqué sur le blog de Premiere-urgence.org, qui affirme : « Les autorités israéliennes, responsables de la protection des palestiniens sous leur occupation militaire, bafouent en réalité les droits de ces civils. Première Urgence Internationale rappelle au gouvernement israélien ses devoirs et appelle à une action urgente pour éviter de plus grands risques de contamination.[12] »

Ce rappel comminatoire à un ordre nouveau se trompe de destinataire : la santé des Palestiniens dépend, en pratique, en Cisjordanie, de l’Autorité palestinienne et à Gaza, du Hamas. En théorie, c’est-à-dire juridiquement parlant, le Hamas n’est qu’un groupe terroriste rebelle qui a pris le pouvoir par la force à l’Autorité palestinienne. Selon les Accords d’Oslo, c’est Ramallah qui a toujours le plein pouvoir et donc la responsabilité des soins de santé et de l’importation de médicaments pour tous les Palestiniens, Gaza incluse.

Le droit international, y compris humanitaire, ne rend pas Israël plus responsable de la fourniture des vaccins aux Palestiniens des Territoires disputés que la France aux Maliens.

Pourtant, on en attend toujours plus de l’État juif, que l’on aime haïr d’autant plus quand il répond aux exigences de perfection qu’on lui impose. Aussi a-t-il fourni les kits de test et la formation à ses ennemis limitrophes… qui ont refusé les vaccins au motif qu’ils étaient probablement empoisonnés. Israël a négocié avec Pfizer et avec Moderna pour l’achat des vaccins et l’échange des données résultant de leur utilisation avec les laboratoires. Les Palestiniens ont choisi le vaccin russe, Sputnik V et le britannico-suédois AstraZeneca[13].

Les Arabes sionistes sont une plaie pour les anti-apartheid de papier

Le 17 janvier 2021, un édito ironique est paru dans un grand quotidien israélien, signé par un citoyen arabe de  l’État juif et intitulé « Quel apartheid ? »

Yossef Haddad s’y indignait de découvrir, dans la presse, qu’il vivait sous un régime d’apartheid. Il a été soulagé de voir qu’il ne s’agissait que d’une énième provocation d’une ONG coutumière de cet autodénigrement : B’Tselem.

« Comment osent-ils dire que moi, un Israélien arabe qui ai servi avec des soldats juifs dans les Forces de Défense israéliennes, moi qui ai managé des centaines d’employés juifs, je vis sous un régime d’apartheid ? Comment peut-on dire que notre société vit sous un régime d’apartheid, alors que parmi nous, vous trouverez des médecins, des juges et même des législateurs ? Comment pouvez-vous dire que Samer Jaj-Yehia vit sous un régime d’apartheid, alors qu’il est à la tête de la plus grande banque d’Israël ? B’Tselem avait déjà battu des records d’hypocrisie, mais comparer Israël à un régime d’apartheid n’est pas seulement un mensonge éhonté, c’est aussi une insulte à tous les sud-Africains qui ont vécu l’apartheid. [14]»

L’auteur de l’édito se félicitait de ce qu’Israël sera probablement le premier pays à sortir de la pandémie, ce qui permettra à tous les étrangers qui le souhaitent de venir voir à quoi ressemble l’apartheid décrit par Mbembe et consorts : « Ils pourront entendre parler hébreu et arabe au marché de Nazareth, voir des mosquées, des églises et des synagogues côte à côte à Jaffa et constateront la coexistence de la  mosaïque israélienne à travers le pays. Ça leur donnera peut-être envie de vivre sous un régime d’apartheid ! »

Un aveugle retrouve la vue. Pas les médias

C’est une grande première médicale : après douze ans de cécité et quatre transplantations infructueuses avec des dons d’organes humains, un citoyen israélien a retrouvé la vue grâce à l’implantation d’une cornée artificielle complète, la CorNeatKPro, made in Israel. « Après des années de recherches et de dur labeur, voir un collègue implanter une CorNeatKPro et voir un être humain retrouver la vue le lendemain a été électrisant et émouvant. On a versé beaucoup de larmes dans la chambre du malade[15] », a déclaré le créateur du nouveau produit. Les larmes, en effet ne venaient pas toutes de l’heureux bénéficiaire de la greffe, Jamal Furani, un citoyen de Haïfa, âgé de 78 ans.

Précisons pour les antisionistes de bas étage et de longs voyages, qu’il s’agit d’un citoyen arabe, ce dont se fichent comme d’une guigne les membres de l’équipe médicale.

Les antisémites appelleront sûrement cela du « health washing », une opération de relations publiques à base de médecine, pour améliorer son image. Sauf qu’ils ne le sauront pas, car nul média autre qu’israélien ne parle de ce genre de choses. 

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il est sioniste.

Quand on veut susciter l’admiration d’un antisémite, on dit qu’il est antisioniste.

Quand il était vivant, Martin Luther King avait écrit une « Lettre à un ami antisioniste », dans laquelle on peut lire : « qu’est l’antisionisme ? C’est le déni au peuple juif d’un droit fondamental que nous réclamons à juste titre pour le peuple d’Afrique et accordons librement à toutes les nations de la terre. C’est de la discrimination envers les Juifs, mon ami, parce qu’ils sont Juifs. En un mot, c’est de l’antisémitisme.[16] »

Liliane Messika


* © Serge Skrobacki

[1] https://www.amazon.fr/seul-soleil-chacun-son-ombre/dp/2315004683/ref

[2] https://mabatim.info/2021/01/08/medias-le-poids-des-choix-et-le-choc-des-faux/

[3] https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000213/la-deuxieme-intifada.html

[4] https://blogs.mediapart.fr/jean-francois-bayart/blog/110520/achille-mbembe-antisemite-mdr

[5] https://www.cairn.info/la-situation-postcoloniale–9782724610406-page-25.htm

[6] https://www.lhistoire.fr/la-traite-oubli%C3%A9e-des-n%C3%A9griers-musulmans-0

[7] https://www.bdsfrance.org/qui-sommes-nous/

[8] https://www.ohchr.org/Documents/Publications/DimensionsRacismfr.pdf  pages 113 et suivantes.

[9] https://www.liberation.fr/chroniques/2019/10/08/victor-klemperer-decrypteur-de-la-langue-totalitaire_1756289

[10] https://plus.lesoir.be/207865/article/2019-02-20/de-la-necessite-de-combattre-concretement-lantisemitisme

[11] https://plus.lesoir.be/299585/article/2020-05-08/le-philosemitisme-contre-achille-mbembe

[12] https://www.premiere-urgence.org/face-au-covid-19-les-violations-des-droits-humains-par-israel-augmentent-la-vulnerabilite-des-palestiniens/

[13] https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-01-18/replique/la-vaccination-du-peuple-palestinien.php

[14] https://www.israelhayom.com/opinions/what-apartheid-2/

[15] https://unitedwithisrael.org/israeli-surgeons-restore-sight-with-artificial-cornea-after-12-years-of-blindness/?utm_source=

[16] https://www.cbl-grenoble.org/3-cbl-grenoble-1-action-13-page-0.html

4 réflexions au sujet de “Achille Mbembe, dernière victime de l’apartheiditisme*”

  1. « C’est ce dont le défend un autre post-colonial, Jean-François Bayart, »
    S’il y a quelque chose de grotesque c’est d’affirmer que Jean François Bayart est post-colonial. L’avez-vous Lu ?

    Ce petit livre très stimulant est une réponse, agacée, de Jean-François Bayart à la mode des études postcoloniales et à la manière dont elles sont importées en France. Les tenants de ce courant historiographique voient « dans la « situation coloniale » et dans sa reproduction l’origine et la cause des rapports sociaux contemporains, qu’ils soient de classe, de genre ou d’appartenance communautaire, tant dans les anciennes colonies que dans les anciennes métropoles » (p. 8). Si ce courant n’est pas bien reçu dans le champ académique français, ce n’est pas, comme le montre l’auteur, en raison d’une indifférence ou d’une réticence à questionner les périodes coloniales et post-coloniales. Ce courant puise en effet nombre de ses références théoriques et de ses précédents en France (Sartre, Fanon, Foucault, Bourdieu…), même si l’originalité des postcolonial studies est « d’avoir fait le lien entre la critique du colonialisme et celle d’autres formes de domination » (p. 22). La recherche sur la colonisation a par la suite continué en France mais « dans la discrétion de l’université et des laboratoires de recherche » (p. 26). Outre des raisons structurelles, la raison principale de cette importation manquée tient donc, selon Jean-François Bayart, au fait que ces études « sont contestables et conduisent l’étude du fait colonial ou postcolonial dans des impasses, au risque d’une vraie régression scientifique par rapport aux acquis de ces trente dernières années » (p. 43). L’auteur s’appuie sur le bilan critique de ces études, en France et ailleurs (cf. la bibliographie de 25 pages en fin d’ouvrage), pour étayer cette thèse et proposer une « nouvelle feuille de route » (p. 67) pour la recherche sur ces questions.
    https://journals.openedition.org/lectures/972

    En deuxième lieu, l’auteur accuse les tenants français du postcolonialisme de réifier le fait colonial, de construire une colonie et une postcolonie idéaltypiques qui ne correspondent pas à la réalité historique. Il rappelle l’hétérogénéité du fait colonial dans l’espace et dans le temps et reproche aux postcolonials studies d’enfermer l’Indigène d’hier et d’aujourd’hui dans une position dé-historicisée et victimisante.
    Enfin, en troisième lieu, J-F Bayart stigmatise les postcoloniaux pour l’utilisation de leurs théories à des fins politiques : quittant le champ scientifique, ils auraient « tendance à cantonner (les études postcoloniales) à une critique très « franco-française » de la République, de la genèse de la citoyenneté et du legs colonial » (p. 39). Une fois encore, c’est l’ethnicisation du fait social qui est mise en cause, les postcolonial studies étant accusées de faire le lit du communautarisme et, partant, de participer à un projet délétère d’atomisation du corps social.
    https://www.iris-france.org/note-de-lecture/les-etudes-postcoloniales-un-carnaval-academique/

    Cordialement

    J’aime

    1. Merci de la vigilance avec laquelle vous avez lu l’article sur Mbembe et de la conscience avec laquelle vous contestez quelques lignes de ce texte.
      Vous avez partiellement raison : Bayart n’est pas un chevalier du post colonialisme per se, mais son opposition est bienveillante sur le fond et s’attache essentiellement à la forme (des études post-coloniales).
      J’accepte ce reproche-là, qui concerne la dénomination, mais pas le fait qu’il serait un ennemi de cette thèse.
      Plutôt que de réinventer la roue, je vous cite la critique que Jacques Pouchepadass a faite de « ce petit livre très stimulant » dans Afrique contemporaine (2010/3-n°235) :
      « Ce court essai est l’expression d’une impatience intellectuelle face à la vogue récente des postcolonial studies anglo-américaines en France. Pourtant, bien que le ton soit vif et la plume acérée, il laisse planer une ambiguïté sur l’objet réel de sa démarche critique. Le texte est placé d’emblée sous le signe de la «crise des banlieues» de 2005, qui a précédé de peu l’irruption des postcolonial studies dans le débat intellectuel, politique et médiatique hexagonal, et il s’achève sur les polémiques engendrées par les «Indigènes de la République» et le mythe du legs colonial dont ils affirment subir le poids.
      La cible visée semble donc être la lecture pauvre et réifiante des postcolonial studies que les déçus de la République brandissent comme une arme dans ce combat idéologico-politique. Mais dans le corps de l’exposé, c’est des postcolonial studies elles-mêmes prises globalement qu’il est continûment question, comme si l’on avait affaire avec elles à une entité théorique homogène («La reconsidération des postcolonial studies doit partir de l’original plutôt que de la copie»), ce qui, on va le voir, pose quelque peu problème. »

      Je vous rappelle juste que l’article concernait Achille Mbembe et non Jean-François Bayart.
      Merci encore de votre attention.

      Liliane Messika

      J’aime

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