Culture, identité, islam, Israel, judéophobie, mythologies contemporaines

Guerre d’Israël contre le Hamas :

quand j’entends le mot culture

…, je sors mon revolver !

par Jean-Marc Alcalay*

Cette déclaration tristement célèbre fait encore froid dans le dos. Tirée des propos de l’un des personnages de la pièce de théâtre Schlageter (1933) de l’écrivain nazi Hanns Josht, elle a été reprise par Baldur von Schirach, (1907-1974) chef des jeunesses hitlériennes dès le 30 octobre 1931, puis chef des jeunesses du Reich Allemand, à partir du 17 juin 1933.

Ce que cet ambitieux nazi entendait par le mot culture, c’était évidemment la culture dite « dégénérée » telle que le nazisme la concevait : Celle des peintres : Nodle, Kirchner, Kokorschka Chagall, Picasso… Au total, donc, 21 000 œuvres, peintures et sculptures devaient être retirées des musées allemands dont 730 œuvres d’artistes « dégénérés » présentées en 1937 dans une exposition à Munich. Artistes « dégénérés » donc et écrivains « dégénérés » également, Juifs de préférence, mais pas seulement, allaient être bannis de l’Allemagne nazie. Ainsi, à peine 4 mois après l’avènement d’Hitler, dès le 5, mais surtout à partir du 10 mai, les livres de nos écrivains et penseurs préférés, ceux qui avaient fait la gloire littéraire de l’Allemagne et qui brillaient dans le monde entier allèrent au bûcher. Les écrivains en ont payé le prix. Arthur Schnitzler, Stefan Zweig, Sigmund Freud, Thomas Mann, Heinrich Mann, Ernst Gläser, Marx, Brecht, Hermann Hess, Max Brod, Franz Werfel, Jack London, Ernest Hemingway pour n’en citer que quelques-uns. Et ceux qui initièrent cet immense bibliocauste allumé dans plusieurs dizaines de villes allemandes, viendront justement des étudiants par adhésion volontaire au nazisme et haine de la culture !

Ça vient aussi des étudiants !

Les nazis n’étaient pas les inventeurs de tels crimes. Au cours de l’histoire, tous les régimes totalitaires ont autodafé les livres. Certains sont allés plus loin, et Heinrich Heine, souvent cité, d’écrire dans Almansor, sa pièce visionnaire, pourtant datée de 1821 : là où on brûle les livres on finit par brûler des hommes[1] !Ce qui avait été fait par l’Inquisition et autres, sera également acté par les nazis. Dès le 10 mai 1933 donc, commence le bibliocauste de plus de 25 000 livres dressé sur l’Opernplatz de Berlin. Dès le soir du 10 mai, dans 34 villes allemandes, les étudiants de droite protestèrent contre l’esprit non allemand… Ces bûchers de livres étaient organisés par des universitaires, des professeurs, des recteurs d’université, des représentants des étudiants lesquels avaient pillé les bibliothèques universitaires pour livrer cette immense richesse culturelle aux flammes nazies[2]. Ainsi, au cours de cette guerre, des millions de livres pillés dans les librairies universitaires, dans les bibliothèques privées, dans les bibliothèques juives des communautés et des synagogues, partirent en holocauste, quand ce ne seront d’autres milliers de livres retirés des bibliothèques dans l’Europe nazifiée.

Et aujourd’hui ? 

Rien à voir évidemment avec l’ampleur de ce qui s’est passé dans l’Allemagne nazie et dans les pays totalitaires qui brûlèrent les livres de leurs opposants, Juifs comme non Juifs, avec comme but commun l’idée d’une pureté retrouvée par une épuration de la culture. Mais quand même, la tentation est grande d’y repérer aujourd’hui la même recherche d’une pureté dans le totalitarisme wokiste et progressiste comme prémisses d’un projet plus vaste, mondialisé, aux allures anticoloniales, anti-impérialistes, antisionistes, projet surajouté de l’imposition de l’écriture inclusive avec changements des titres des livres et de leurs contenus jugés trop stigmatisants pour les minorités, du genre, Les Dix petits nègres… Et du genre, justement il en est question, puisque la question genrée s’intègre dans ce dispositif totalitaire qui vise aussi la langue, le sexe, la culture, doublés du déboulonnage de statues, de l’arrosage à la peinture des œuvres d’art qui rappelle le mot de von Shirach mais qui touche ici, non pas la culture « dégénérée », mais toute la culture civilisationnelle. Les promoteurs de ce nihilisme-là l’appellent, par perversion du langage, le progressisme ! On y croirait presque ! Comme pour les autodafés nazis dont le wokisme est le triste héritier, cette mise en place sectaire nous vient des universités américaines, de leurs enseignants, de leurs étudiants, tous assaisonnés à la sauce wokiste. Dans ce retournement des valeurs humaines qui veut opérer (c’est le cas pour les transgenres et autres LGBT) un véritable renversement anthropologique, un virage à gauche toute, voire ultra-gauche toute, il n’y avait qu’un pas pour que ces terroristes anti-civilisationnels s’alignent du côté des terroristes du Hamas. Encore une fois, cela nous vient des États-Unis. Ils infectent les campus universitaires de Harvard, de Stanford, de Columbia…, malmènent les étudiants juifs, les séquestrent, mais sont parfois empêchés par les autorités universitaires.

Le Hamas : cerise sur le gâteau ! 

Evidemment, les étudiants ont produit le meilleur comme le pire. Mais, cerise sur ce gâteau wokiste écœurant et indigeste, les massacres du 7 octobre commis par les terroristes du Hamas ont donné un nouvel alibi politique à ces étudiants. Ceux-là, d’extrême gauche et autres pro-palestiniens poursuivent le lien avec ceux qui en 1933 brûlèrent les livres des Juifs et des non aryens, par antisémitisme d’extrême droite nazie, jusqu’à ceux de mai 68, d’extrême gauche ceux-là, qui pouvaient défiler à Paris aux cris de nous sommes tous des Juifs allemands, mais surtout pas, des Juifs israéliens puisqu’ils refusaient dans le même temps de se rallier à leurs camarades israéliens par antisionisme, anticolonialisme, et évidemment, par soutien propalestinien.  Ce lien estudiantin se poursuit donc aujourd’hui encore, comme partout dans le monde et avec toujours au bout de cette idéologie, le Juif, prototype idéal du colonisateur, de l’impérialiste et enfin, du blanc dont il faut éliminer la couleur, la « race », concept biologiquement infondé, mais étrangement remis à jour par ces « antiracistes », comme ils se nomment aussi. Aujourd’hui encore, ils sont aux côtés des pseudo-féministes en lutte contre tous les féminicides, sauf ceux évidemment commis par les terroristes du Hamas, quand, ce 7 octobre, ils ont éventré, sadisé, violé, mutilé sexuellement, attaché et brûlé vives avec leurs enfants, les Israéliennes des kibboutzim et celles de la rave party. Quoi de plus logique, ces féministes aussi sont avant tout gauchistes et de ce fait, anti-israéliennes. Ces étudiants ne sont pas à une contradiction près. Peu importe d’ailleurs s’ils passent pour des abrutis. Ils n’en sont nullement touchés. Certaines universités américaines sont envahies par les drapeaux palestiniens, les rues américaines se gonflent de défilés anti-israéliens, antisémites et pro-Hamas. Ce 16 novembre, à Sciences Po Menton, école décentralisée de Sciences Po Paris, les étudiants pro-palestiniens ont manifesté contre le refus de la direction de l’établissement qui voulait leur interdire le blocage de l’école. Résultat : 66 interpellations. Heureusement qu’il y a de telles directions d’établissements… !

Ces manifestants qui défendent aussi la mouvance LGBT savent pourtant qu’ils seraient les premiers suppliciés du Hamas s’ils se mettaient sous leur domination. Paradoxe. Leur haine d’Israël, pays où pourtant ces LGBT sont plus que libres, est bien supérieure aux sévices qu’ils pourraient subir du mouvement terroriste qu’ils soutiennent. Allez donc comprendre cette logique, sinon qu’elle est sacrificielle et masochiste, dans laquelle ils se placent en idiots utiles d’une idéologie islamiste, voire même musulmane puisque ces mêmes LGBT sont persécutés dans tous les pays arabo-musulmans. Mais peu importe, car, assaisonnés à cette salade wokiste, ils sont avant tout antisémites par appartenance et préférence gauchiste.

Le nouveau malaise dans la culture

 L’histoire se répète mais jamais à l’identique. Ce nouveau malaise dans la culture/civilisation déjà dénoncé par Sigmund Freud[3] en 1930 regroupe évidemment des éléments anciens. Aujourd’hui il a pris  la forme morbide du wokisme qui appuie son idéologie naïve, mensongère et agressive sur un pseudo-antiracisme qui est surtout un racisme antiblanc, appuyé sur un anticolonialisme, un anti-impérialisme, ainsi qu’une volonté inclusive et bêtement féministe qui vise dans l’écriture et le livre, à effacer la différence des sexes, elle-même théorisée par la théorie complètement infondée du genre. La chirurgie du scalpel et du bistouri y participe aussi ! Il est certain qu’au bout de cet idéal recherché de pureté et d’effacement des différences et du monde ancien, il n’y aura aucune forme nouvelle de bonheur possible, lequel n’existe pas, mais, à coup sûr, un degré supplémentaire d’enfermement de chacun dans un malheur collectif. Cette violence s’accompagne d’une terreur antisémite à ciel ouvert qui depuis le 7 octobre, a pris comme modèle le terrorisme islamique du Hamas, élevé au rang d’un mouvement de résistance, avec évidemment, comme ennemis désignés les Juifs du monde et leur maison natale, Israël !


[1] Heinrich Heine,  Almansor, 1821.

[2][2] Fernando Báes, Histoire universelle de la destruction des livres, pp. 293-321, Fayard, 2008.

[3] Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, in Œuvres complètes, volume XVIII, 1926-1930,  Puf, 1994, pp. 249-333

*Jean-Marc Alcalay est psychologue clinicien. Il vit et travaille à Dunkerque. Il a écrit plus d’une centaine d’articles. Il a écrit un premier livre sur les liens qu’avait André Malraux avec Dunkerque : André Malraux et Dunkerque, une filiation (Société Dunkerquoise d’Histoire et d’Archéologie,1996), puis en 2007, La plume et le fusil (Ysec Éditions) toujours Dunkerque, la guerre, les écrivains, puis encore en 2012, à propos d’un autre écrivain qui lui tient à cœur, Marguerite Duras, publié à Jérusalem, en français, où il a fait deux conférences. Son titre : « MD la juive, les écritures juives de Marguerite Duras », diffusé en France et publié aux Éditions Elkana en 2012. Son quatrième livre, intitulé Lé-haim, A la vie, Israël 1948, est paru en septembre 2014 aux Éditons Ysec.

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