antisionisme

Les alliés naturels de l’antisionisme radical

Georges-Elia Sarfati

Les formulations de l’antisionisme radical caractérisent de façon tendancielle les formes de la doxa. Mais le propre de la doxa est de se reproduire de manière dérogatoire à toute instance critique.

Par antisionisme radical, j’entends principalement la position de principe qui consiste dans la criminalisation a priori du projet sioniste, et très certainement la criminalisation de l’Etat d’Israël, d’ailleurs le plus souvent désigné comme « entité sioniste » (des mollah iraniens à Dieudonné, en passant par les représentants patentés du palestinisme ambiant et de larges fractions de l’islamo-gauchisme, sans excepter, ce qui n’est guère surprenant, certains diplomates ou experts auto-proclamés du Proche Orient).

Il en résulte que l’antisionisme radical, nécessairement consensuel dans ses expressions, est avant tout une posture psychique, qui se reconnaît incidemment à un faisceau de discours. A y regarder de plus près, les alliés naturels de l’antisionisme radical forment une triade dont les termes entretiennent un lien d’étroite solidarité, que ses porteurs le sachent ou pas. Il s’agit respectivement, des stéréotypes de la propagande totalitaire, du mensonge et de l’ignorance.

 Les propagandes totalitaires

Au degré d' »évidence » où il nous parvient, le discours antisioniste le plus commun constitue l’expression banalisée à l’extrême des propagandes totalitaires du XXème siècle, dont la source commune n’est autre que la tradition discursive de la judéophobie complotiste du XIXème siècle, de droite et de gauche (A. De Toussenel: Les Juifs, rois de l’époque;  E. Drumont: La France juive, ainsi que les faux homicides: Le discours du rabbin, Les Protocoles des Sages de Sion; mais encore: Mein Kampf, Le mythe du XXème siècle, ainsi que l’immense industrie de l’antisionisme soviétique, stalinien et post-stalinien, etc.).

Cette littérature obsessionnelle, corpus de choix pour l’étude psychanalytique du mécanisme de la projection, fut la première source idéologique de l’antisémitisme d’Etat, sous le IIIème Reich, aussi bien qu’en Union soviétique; elle demeure une inspiration également vivace pour les judéophobes contemporains, qui les ont recyclés aux fins de leurs intérêts et des besoins de  leur stratégie politique. Aujourd’hui, notamment dans la sphère européenne, ces références obligées de la judéophobie définissent la matrice de la désinformation coutumière, elles configurent ses figures obligées, obligées et prédictibles.

 Le mensonge

Le mécanisme psychique de la projection consiste à la fois dans la distorsion de l’objet ainsi investi, et, simultanément dans l’idéalisation narcissique du sujet qui  »projette ». En attribuant à l' »autre » l’idée mortifère qu’il s’en fait, il se débarrasse du même élan de la part d’ombre qui le caractérise, et qui représente une menace pour sa bonne conscience. Cette distorsion conditionne inéluctablement le déni qui est la condition du mensonge érigé en système.

Cela n’a jamais été fait, mais il vaudrait la peine de procéder à une comparaison terme à terme des positions et convictions imputées aux Juifs – aujourd’hui, plus couramment aux « sionistes- par les judéophobes de toute obédience, et des positions et convictions formulées par les Juifs et historiquement par les Sionistes-, pour faire simplement apparaître leur incompatibilité foncière. La prise en vue de ce différenciel, ferait immédiatement ressortir le hiatus qui rend antinomique les contre-valeurs de la judéophobie et les valeurs de la judaïté, spirituelle ou nationale.

Le passage du corpus judéophobe au corpus juif et sioniste est proprement impossible, et s’il était rationnellement tenté, il servirait au moins à traduire un fait irréfutable: celui de la distorsion, sinon de l’inversion radicale que le discours judéophobe fait subir aux énoncés du judaïsme traditionnel comme  à ceux du sionisme philosophique.

Nous esquisserons ailleurs une telle comparaison: elle sera de nature à montrer non seulement que la judéophobie repose sur une accusation générique proprement délirante parce qu’infondée, mais en outre que la judéophobie nous renseigne avant tout sur l’intention réelle de ceux qui portent une telle accusation.

Aujourd’hui, cette inversion est naturalisée, banalisée à l’extrême, elle sert a minima la stratégie de délégitimation de l’Etat d’Israël, sans pour autant exonérer les Juifs, qui ne sont pas citoyens israéliens, et qui se voient incidemment reprocher une connivence essentielle avec l’accusé principal.

L’ignorance

Ce troisième terme concerne finalement la plupart de celles et de ceux, qui avec une bonne conscience à toute épreuve, se rallient sans ciller à l’incrimination antisioniste. Ils le font le plus souvent avec fierté, persuadés de relayer ou d’incarner une cause juste. Surtout si cette juste cause se confond sans reste avec la « cause palestinienne ».

Le propre de cette posture dogmatique qui se supporte de l’ignorance, est qu’elle procède encore d’une forme de méconnaissance. Le fait en incombe à l’absence significative d’un contre-discours suffisamment audible pour lui faire pièce. Le plus grave est bien entendu, que cette méconnaissance suppose acquise la défaite de l’esprit critique dans des milieux censés symboliser un tel esprit: je veux parler de vastes secteurs de l’université française, dans lesquels la pseudo-opinion antisioniste tient lieu de cri de ralliement, et chez de non moins large fractions de la population étudiante, de culture populaire.

Doit-on s’en étonner dans un pays dont l’appareil médiatique dominant reflète sans nuance les priorités de sa politique étrangère, et dans un pays de surcroît si doctrinalement hostile à la transmission des connaissances historiques les plus élémentaires en matière de « fait religieux »? Le niveau de connaissance moyen en matière de judaïté est généralement proche de zéro, puisque c’est en règle générale le préjugé -au mieux ré-articulé par les humoristes- qui tient lieu de savoir sur ce sujet.

En sorte que les adeptes de l’antisionisme, maîtres et disciples confondus, convergent à tout le moins sur un arrière-plan identique: celui d’une inculcation idéologique de principe, foncièrement hostile à Israël. La plupart ignorent tout des racines historiques du conflit moyen oriental, et considèrent que ce qui leur a été répété depuis deux générations (le retournement de la France dans le contexte de la guerre des Six jours) est pour ainsi dire parole de vérité: Bien entendu, ce qui est présupposé par tous, et notamment par l’information nationale, servant de critère exclusif pour étayer leur jugement. En l’espèce, cette certitude indiscutable est une forme méprisable de la paresse intellectuelle, sa sottise suffit à discréditer ceux qui ergotent à partir d’arguments hérités des propagandes totalitaires sans s’en douter. Il est fort à parier que si elles découvraient que l’antisionisme participe dès sa genèse de l’univers du crime, ces bonnes âmes se raviseraient.

En ce domaine, comme en d’autres, la doxa antisioniste ne passe ni l’épreuve de la connaissance historique, ni celle de la réflexion.

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